Le propos de cet article est de questionner la régionalisation annoncée, que veut se donner le Maroc, et son aptitude ou non à conjurer les forces centrifuges le minant et d'interroger le réagencement territorial proclamé, qui tente de faire la part du feu en proposant une réponse à la crise de l'unité territoriale.
En tout état de cause, le redécoupage administratif proclamé n'a rien d'une première, puisque la scissiparité territoriale fut un processus récurrent tout au long de l'existence politique du Maroc. La régionalisation a toujours été présente dans le Maroc traditionnel. Les tribus au Maroc ont toujours joui d'une régionalisation. Mais il s'agissait d'un modèle réduit (M. Darif, 2010).
Le souci d'instituer la régionalisation au Maroc ne date pas d'aujourd'hui. Le processus de régionalisation a pris sa première forme en 1971 avec la création de sept régions.
Mais, il a fallu attendre 2002 pour que la région soit considérée comme la base du développement économique. C'est dans cet esprit qu'ont été créées 16 régions. Quatre ans plus tard, la loi de finances comporte une ligne budgétaire spécifiquement réservée aux régions.
Fort de ce cumul de réformes graduelles, le Maroc veut aller plus loin, en accordant à la région de plus grandes prérogatives locales ; une régionalisation encore plus poussée qui lui est propre. Certes, l'autonomie est une forme de la régionalisation, mais excepté la région du Sud du Maroc, la régionalisation dans les autres régions ne va pas aboutir à l'autonomie (M. Darif, 2010).
Ainsi, au Maroc il y aura deux formes de régionalisation. Une régionalisation très avancée, à travers l'autonomie au Sud du Maroc et une autre pour les autres régions qui ne va pas atteindre l'autonomie (M. Darif, 2010).
Le modèle marocain de « régionalisation avancée » pourrait s'apparenter à une forme brassée de régionalisation à l'européenne tout en favorisant une forte inspiration de la tradition marocaine.
En fait, ni l'exemple espagnol ni celui allemand ne sont proches du Maroc. En Espagne, la régionalisation se fonde essentiellement sur l'autonomie alors qu'au Maroc, l'autonomie ne sera appliquée que dans le Sud, même si certains aspects pourraient inspirer le Maroc surtout en ce qui concerne les revendications des Sahraouis, qui, d'une certaine manière, sont au Maroc ce que les Basques sont à l'Espagne. En Allemagne, également, le contexte de cette république diffère du Maroc. L'Allemagne est un Etat fédéral alors que le Maroc est un Etat unitaire. Par ailleurs, le Maroc pourrait s'inspirer du modèle italien. La nature de l'Etat italien a plusieurs points de ressemblance avec le Maroc. L'Italie a instauré un régime de régionalisation sans atteindre l'autonomie. D'ailleurs, il faut rappeler que l'Italie avait réussi à réfréner les séparatistes du Sud du pays grâce à son système de régionalisation avancée (M. Darif, 2010).
Le processus de régionalisation n'est donc pas nouveau, ce qui est nouveau, ce sont les implications géopolitiques externes. Le récent discours de SM Mohammed VI sur la régionalisation paraît très lié à l'affaire du Sahara. C'était l'occasion pour le Maroc de démontrer que son projet d'autonomie est la seule option pour le règlement du problème du Sahara. En facilitant la coopération décentralisée -notamment avec les collectivités territoriales algériennes- il permettrait ainsi de mieux faire barrage au front Polisario et d'enrayer la logique de l'émiettement territorial, face aux aspirations identitaires. La nouvelle politique de régionalisation répond donc à une situation géopolitique.
Le redécoupage ne sera donc pas influencé par le poids démographique, encore moins par la fonctionnalité des espaces ou leur viabilité économique, fort disparates. En outre, les différences entre régions riches et pauvres risquent d'être difficiles à surmonter. Les régions riches, fortes de leurs ressources, pourraient ne pas voir d'un très bon œil le fait de devoir « payer» pour les autres collectivités. La régionalisation pourrait faire ressortir les inégalités territoriales et même les aggraver.
Pour ce qui est de la délimitation des régions de planification, avec leurs foyers de développement et leurs pôles de croissance, il est important que les différents types de régions (administratives, historiques, écologiques, économiques), soient superposés et que le découpage s'effectue en fonction d'« aires de synthèse » qui correspondraient en quelque sorte à des régions homogènes pour les besoins du développement.
Une réforme du système marocain sera donc inévitable à plus ou moins long terme. Par ailleurs, les rivalités entre régions pourraient s'accroître, puisque l'autonomie accordée aux autres régions marocaines ne sera pas tout à fait similaire à celui du cas particulier du Sahara. Dès lors plusieurs questions se posent.
L'architecture des anciennes régions, forgée par le pouvoir colonial et qui résultait d'une logique identitaire sera-t-elle entérinée et consolidée ?
Quels freins pourraient entraver la régionalisation ? La décentralisation et le système des autonomies permettront-ils l'implication des citoyens dans la gestion des affaires locales et la résolution des problèmes liés au développement économique du pays ? La régionalisation réussira-t-elle en l'absence d'une bonne gouvernance ?
Existe-t-il une méthodologie en matière de développement régional et si les critères applicables au niveau national le seraient également au niveau régional ? Etant donné les différences d'une région à l'autre, est-ce qu'il va y avoir recours à des modèles différents aux deux niveaux, soit national et régional ? Un début de réponse réside peut-être dans les modèles d'inspiration.
Par conséquent, il est important de mettre l'accent sur le processus de planification à l'intérieur duquel il faudrait tenir compte de la variable spatiale ; et ce, dès la fixation des premiers objectifs poursuivis par le développement et de la détermination des données d'une stratégie générale। Il convient aussi d'accorder plus d'importance à la qualité de l'information et au diagnostic, préalables à la formulation d'un plan régional.
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